J’ai choisi la cancérologie car c’est, à mes yeux, la spécialité qui confronte le plus directement le soignant à l’humain dans sa globalité. Le cancer, au-delà d’être une maladie qui engendre des souffrances physiques, est sans doute celle qui, dans notre époque, nous place le plus intensément face à la mort, à la finitude et au sens de l’existence.
Il ne s’agissait donc pas seulement de traiter la maladie, mais d’accompagner les patients dans ce défi existentiel majeur, de les aider à donner un sens à ce qu’ils traversent. Pour moi, la cancérologie représente la spécialité la plus riche en termes de transformation humaine : elle nous oblige à nous interroger sur la condition humaine, sur la capacité à faire face, à grandir au travers de l’épreuve.
L’être humain n’est pas uniquement un corps biologique ou un simple animal ; il est une conscience. Si nous acceptons que c’est cette conscience qui perdure au-delà de la mort physique, alors notre mission de soignant devient claire : accompagner le développement de cette conscience. La mort, dans cette perspective, ne signe pas un échec dès lors que le chemin parcouru a permis de grandir, de s’éveiller. Bien entendu, lorsque la guérison est au rendez-vous, c’est une victoire supplémentaire.
La réalité du cancer a poussé le monde scientifique à voir la psycho-NEURO-endocrino-immunologie. David SPIEGEL est le premier à modéliser cela en montrant que face au cancer, il y a une rupture de toutes les dimensions de l’Être, ou en tout cas, une attaque et une déstabilisation de celles-ci : le corps, bien entendu, mais aussi l’énergie vitale (qui est un peu mystérieuse mais qui pourtant se manifeste par la fatigue, premier symptôme en cancérologie avant même la douleur), la dimension émotionnelle, la dimension psychique-mentale, la dimension sociale et la dimension existentielle-spirituelle.
Sur le principe de réalité, toutes ces dimensions sont concernées et quand on accompagne un patient atteint d’un cancer, on doit considérer l’intégralité de celles-ci si l’on veut être dans la définition de la santé. Car la santé, ce n’est pas qu’un corps qui va bien, c’est un être qui va bien. Dans la définition de l’OMS, il manque la dimension spirituelle.
Lorsqu’un être humain est confronté au cancer, quelle que soit sa race, sa religion, son pays, son sexe, son âge, il fait face à un traumatisme qui met en péril sa vie. Il est alors confronté à une prise de conscience qu’il est mortel, à un isolement, à une impuissance et une culpabilité. Tout ceci n’est pas du ressort du psychologique, j’insiste, mais bien de l’existentiel.
Les psychologues ne permettront pas de résoudre ces problématiques, c’est bien notre capacité à être un humain dans l’acceptation et la confrontation à la recherche de la solution. Tout l’enjeu de l’accompagnement, c’est de répondre à toutes les dimensions de l’être : les pieds sur terre, la tête dans les étoiles. On doit accompagner. C’est passionnant. Ce n’est pas l’affaire d’une seule personne, mais bien de plusieurs, qui seront des soutiens à la personne concernée. Et en même temps, elle seule peut autoriser à se faire aider. Aujourd’hui, on sait que les hommes ont beaucoup plus de mal à accepter cela. Dans les centres Ressource, ce sont 80 % de femmes. C’est un choix et un changement qui doit s’opérer. Dans l’Oncologie Intégrative, le focus est le patient et pas la maladie. C’est un postulat qui est le pilier central de la santé intégrative.