Les Cahiers de la Santé Naturelle : regards d’experts

Interview de Dr Jean-Loup Mouysset

Rédigé par Experts COPMED
08/09/2025
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"La santé, ce n’est pas qu’un corps qui va bien, c’est un être qui va bien."

Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?

Je suis oncologue médical, spécialisé dans les traitements médicaux du cancer, et j’exerce dans ce domaine depuis 1993. Mon engagement s’inscrit à la fois dans les soins apportés aux patients et dans une réflexion globale sur la santé. J’ai deux spécialités principales : d’une part la santé environnementale, qui consiste à étudier et à comprendre le rôle croissant de la pollution dans l’apparition des cancers ; d’autre part, l’Accompagnement Thérapeutique des patients, auquel je consacre une grande partie de mon activité.

Par ailleurs, j’ai été à l’origine des premiers ateliers de nutrition à visée éducative en France dès 1997, à l’hôpital de la Timone à Marseille. Ces ateliers avaient pour objectif d’informer et de soutenir les patients sur les liens entre alimentation et santé.

Qu’est-ce qui vous a conduit à vous spécialiser en cancérologie ?

J’ai choisi la cancérologie car c’est, à mes yeux, la spécialité qui confronte le plus directement le soignant à l’humain dans sa globalité. Le cancer, au-delà d’être une maladie qui engendre des souffrances physiques, est sans doute celle qui, dans notre époque, nous place le plus intensément face à la mort, à la finitude et au sens de l’existence.

Il ne s’agissait donc pas seulement de traiter la maladie, mais d’accompagner les patients dans ce défi existentiel majeur, de les aider à donner un sens à ce qu’ils traversent. Pour moi, la cancérologie représente la spécialité la plus riche en termes de transformation humaine : elle nous oblige à nous interroger sur la condition humaine, sur la capacité à faire face, à grandir au travers de l’épreuve.

L’être humain n’est pas uniquement un corps biologique ou un simple animal ; il est une conscience. Si nous acceptons que c’est cette conscience qui perdure au-delà de la mort physique, alors notre mission de soignant devient claire : accompagner le développement de cette conscience. La mort, dans cette perspective, ne signe pas un échec dès lors que le chemin parcouru a permis de grandir, de s’éveiller. Bien entendu, lorsque la guérison est au rendez-vous, c’est une victoire supplémentaire.

La réalité du cancer a poussé le monde scientifique à voir la psycho-NEURO-endocrino-immunologie. David SPIEGEL est le premier à modéliser cela en montrant que face au cancer, il y a une rupture de toutes les dimensions de l’Être, ou en tout cas, une attaque et une déstabilisation de celles-ci : le corps, bien entendu, mais aussi l’énergie vitale (qui est un peu mystérieuse mais qui pourtant se manifeste par la fatigue, premier symptôme en cancérologie avant même la douleur), la dimension émotionnelle, la dimension psychique-mentale, la dimension sociale et la dimension existentielle-spirituelle.

Sur le principe de réalité, toutes ces dimensions sont concernées et quand on accompagne un patient atteint d’un cancer, on doit considérer l’intégralité de celles-ci si l’on veut être dans la définition de la santé. Car la santé, ce n’est pas qu’un corps qui va bien, c’est un être qui va bien. Dans la définition de l’OMS, il manque la dimension spirituelle.

Lorsqu’un être humain est confronté au cancer, quelle que soit sa race, sa religion, son pays, son sexe, son âge, il fait face à un traumatisme qui met en péril sa vie. Il est alors confronté à une prise de conscience qu’il est mortel, à un isolement, à une impuissance et une culpabilité. Tout ceci n’est pas du ressort du psychologique, j’insiste, mais bien de l’existentiel.

Les psychologues ne permettront pas de résoudre ces problématiques, c’est bien notre capacité à être un humain dans l’acceptation et la confrontation à la recherche de la solution. Tout l’enjeu de l’accompagnement, c’est de répondre à toutes les dimensions de l’être : les pieds sur terre, la tête dans les étoiles. On doit accompagner. C’est passionnant. Ce n’est pas l’affaire d’une seule personne, mais bien de plusieurs, qui seront des soutiens à la personne concernée. Et en même temps, elle seule peut autoriser à se faire aider. Aujourd’hui, on sait que les hommes ont beaucoup plus de mal à accepter cela. Dans les centres Ressource, ce sont 80 % de femmes. C’est un choix et un changement qui doit s’opérer. Dans l’Oncologie Intégrative, le focus est le patient et pas la maladie. C’est un postulat qui est le pilier central de la santé intégrative.

Au début de votre carrière, étiez-vous déjà dans cette approche ?

J’y voyais effectivement moins clair car les travaux n’en étaient qu’à leurs débuts, mais j’ai tout de suite cherché cela. On appelait cette approche plutôt « holistique ». Je ne pouvais pas en parler comme j’en parle aujourd’hui, mais je cherchais partout, je tâtonnais, pour accompagner mes patients avec ce que je trouvais : de l’aromathérapie, de l’hypnose, de la chromatothérapie, plein de choses… Et finalement, je me suis aperçu qu’aucune technique isolée ne répondait à la problématique d’ensemble. Aucune ne pouvait être LA solution.

Ce n’était que des outils et des solutions proposées à une période donnée. La clé, c’était véritablement l’évolution de la conscience, et donc tout ce dispositif qui devait être proposé pour accompagner le patient. Tout le travail de David SPIEGEL, que j’ai eu la chance de côtoyer à Stanford lorsque j’y ai séjourné, résidait justement dans cet accompagnement des patients atteints de cancer, confrontés à une mort relativement proche (dont on estimait l’espérance de vie à un an, un an et demi), pour les aider à aller le plus loin possible.

Les mois passés à Stanford durant mon internat m’ont donné un véritable cadre de travail. Comment accompagner ces gens, sans leur donner la solution ? Comment réunir des gens ensemble, les mettre en cordée pour les aider à gravir l’Everest de la Santé ?

La vérité, c’est que personne n’a la réponse pour personne. En revanche on va s’entraider. On arrête de perdre du temps à être dans le Pourquoi, puisque le fruit de cette réflexion sera parfaitement stérile, et on s’oriente vers le Comment. Comment on résout le problème ? On peut toutefois réfléchir au Pour-Quoi. C’est un postulat qui est révolutionnaire. Vous arrêtez de vouloir expliquer les choses et de donner au mental la capacité de diriger les choses. Vous acceptez de ne pas savoir, vous avancez, et vous clarifiez.

Qu’est ce qui, en vous, est le plus important ? Pourquoi vous levez-vous tous les matins ? Qu’est ce qui est le moteur de votre vie ? Et tout cela va donner du sens. In fine, c’est à la personne de donner un sens à ce qui lui est arrivé. Peut-être qu’à terme, elle trouvera des explications sur les causes et le pourquoi, mais le plus important c’est surtout « qu’est-ce qu’on va en faire » ? C’est ce qu’on appelle la résilience. Quand on entre en résilience, on est passé à travers une expérience. Qu’importe le « pourquoi j’ai fait les bêtises », « pourquoi je suis responsable… ».

Bien sûr que si j’avais su, je ne l’aurais pas fait. Je dois accepter de ne pas savoir et je vais essayer de faire mieux, de donner du sens. Devenir acteur de sa santé, c’est ça. Je deviens décideur, souverain. C’est ça qui change fondamentalement dans l’Oncologie Intégrative. Le patient est au centre, c’est lui le maître d’œuvre de sa santé, c’est son libre arbitre face à ses choix.

Et nous, soignants, sommes toujours autour de lui pour l'accompagner et l’aider à faire les meilleurs choix possibles. On doit parfois accepter qu’il fasse des erreurs, parce que parfois on doit passer par là pour s’apercevoir que ce n’est pas le bon choix.

Comme on peut essayer un habit qui ne nous va pas pour se rendre compte que le suivant sera le bon. C’est pareil. C’est cette idée de ne pas être dans le jugement, de mettre le patient au centre, et c’est à lui de décider. Ce n’est ni le consensus, ni le système de santé qui doit décider. Ils restent « au service de », en amenant des réponses ou des références.

Vous avez fondé le centre Ressource. Comment est né ce projet ?

Il est né de cette vision que j’ai eue : d’un espace qui soit un lieu de santé dans lequel chacun peut redevenir acteur de son corps, se soigner, prendre soin de lui, de toutes les dimensions de son être. Je n’avais pas de vision précise en 1995 à Stanford. D’ailleurs, si j’avais imaginé que ça me prendrait 30 ans, je ne sais pas si j’aurais accepté la mission ! Rires.

Quoi qu’il en soit, c’est passé par l’idée de mettre en place cette fameuse Psychothérapie de groupe type soutien- expression, en tout cas cet accompagnement autour de cette thérapie. En 2001, l’association est créée. On réfléchit avec une équipe de soignants à la meilleure manière de la mettre en œuvre, car c’est complexe. Ce n’est qu’en 2003, après plusieurs réunions mensuelles, qu'on décide de commencer à agir en faisant des soins esthétiques et des groupes de parole. En 2005, on crée le petit centre Ressource de 70 m2. On a une vingtaine de thérapeutes qui arrivent avec une coordinatrice de soin. On commence, donc c'est vraiment tout petit et ça ne permet de faire qu’un travail en individuel. Il y a un peu de psychophonie en groupe, mais c’est minimaliste.

C’est seulement en 2011, après des années de travail et après avoir réuni les fonds, qu'on peut travailler sur une dimension plus grande autour de programme : c’est le centre Ressource tel qu’il est aujourd’hui, avec 900 m2, permettant des travaux en groupe (sophrologie, Pilate, etc.) mais surtout le programme d'Accompagnement Thérapeutique.

Il consiste à réunir 10 à 12 personnes qui vont évoluer ensemble sur une année, accompagnées par un thérapeute, et qui travailleront toutes les semaines un savoir-faire (alimentation, atelier nutrition, mieux bouger, ateliers de communication relationnelle pour le stress social, mieux comprendre pour mieux agir avec des conférences).

On expérimente la Pleine Conscience, la cohérence cardiaque… Pour adopter l’activité qui nous convient le mieux et on la pratique régulièrement. On la met en application tous les jours. Il y a aussi une psychothérapie de groupe, avec l’apprentissage de l’autohypnose. Tout ceci entraîne un changement. Aujourd’hui on a accompagné peut-être plus de 20 000 personnes dans les centres Ressource, mais le programme thérapeutique PPACT qui dure un an n’a été suivi « que » par un millier de personnes.

C’est notre problématique aujourd’hui : ce type d’accompagnement est unique en Europe. Pendant 13 ans, on a réussi à mettre en place ce programme-là. On accompagne les gens pendant ou après le traitement du cancer (guéri ou en métastatique).

On les aide à se reconstruire, à reconstruire une santé, on les aide à vivre mieux et plus intensément, mais surtout on sait qu’on a un impact sur l’augmentation des chances de guérison. Aujourd’hui nous sommes fiers d’avoir réussi à rendre cela possible pour un millier de personnes. Nous avons même réussi à transmettre notre savoir-faire car à ce jour, on compte 7 centres Ressource en France.

Tout l’enjeu aujourd’hui c’est que ce projet rayonne davantage. Les chiffres sont énormes : près de 1 400 personnes apprennent chaque jour qu'elles sont atteintes d’un cancer.

La France est le numéro un mondial en taux d’incidence du cancer du sein, le numéro 3 ou 4 du cancer du pancréas. Il est temps de se tourner vers la prévention. Il est temps de pouvoir aider davantage de personnes. Il faut un lieu qui rayonne, qui puisse « faire des petits » pour donner envie de créer ces centres de soin ailleurs.

Ce projet est sur le point de voir le jour. Le centre de santé intégrative est déjà fonctionnel pour recevoir du public. Il accueillera des patients, leur entourage, on les accompagnera dans un lieu beaucoup plus grand, plus beau, en pleine nature (10 hectares), dans une forêt protégée, avec une source qui alimente tout le domaine. On souhaite créer un centre d'aquathérapie avec de l’eau dynamisée. 

On va créer une Université de la Santé Intégrative. Nous peaufinons actuellement un programme pour les pharmaciens, pour labelliser les pharmacies, afin qu’au moins une personne par pharmacie puisse accompagner les patients dans leur parcours de soin.

On prévoit une formation de nutrithérapie pour les non médecins. On travaille aussi sur un DU d’Oncologie Intégrative pour 2026. On aura des formations en phytothérapie. On fera aussi une formation pour les patients en santé intégrative (Académie des patients)…

Ce sera une pépinière qui viendra s’ajouter à l’école d’ostéopathie et de médecine chinoise déjà présentes sur le site.

À qui s’adresse le centre Ressource ?

Pour l’instant on ne s’adresse qu’aux patients atteints d’un cancer. Demain on souhaite mettre en place des programmes pour des pathologies chroniques graves. L’endométriose par exemple, semble pour nous être une priorité. Il y a un lien évident car on peut considérer cela comme un état précancéreux.

De 2 à 3 millions de femmes sont concernées par cette pathologie, et même si aujourd’hui nous manquons encore d’éléments pour faire le lien direct, les causalités sont très reliées. Les femmes sont touchées de plus en plus jeunes, il y a une véritable souffrance, des questions soulevées quant à la fertilité… Bien que nous ne puissions pas soutenir toutes les formes de pathologies chroniques graves, nous souhaitons nous y ouvrir et celle-ci sera déjà un bon début.

Notre volonté c’est aussi d’agir plus largement en faveur de la prévention. Nous allons nous proposer aux entreprises pour faire des formations expérientielles pour leurs employés. Faire des sessions immersives de prévention santé. Nous allons notamment mettre à profit notre centre d'aquathérapie pour leur proposer de venir passer 48 heures immergés, avec des cours, des soins et de l’enseignement, pour plonger dans une eau dynamisée, non polluée, et pleine de promesses.

L’État vous soutient-il dans ce projet d’intérêt public ?

Nous avons la chance que tout le monde nous soutienne ! Le sous-préfet m’a intégré à son équipe d’ambassadeurs de Provence, nous sommes en échange avec le Département des Bouches-du-Rhône, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Métropole Aix-Marseille-Provence, ainsi qu’avec tous les maires de la région. Nous sommes dans une démarche intégrative à tous les niveaux !

Si vous deviez donner un conseil aux jeunes professionnels de santé aujourd’hui, quel serait-il ?

Ouvrez la porte de l'univers de la santé intégrative et vous allez raviver la flamme qui vous a fait choisir d’être médecin ou praticien en santé, parce que vous allez découvrir d’infinies perspectives. Cela va laisser toute sa place à l’Humain, et redonner du sens à votre démarche, à votre investissement. Vous ne serez plus juste dans un métier, une fonction, vous allez rentrer dans une véritable mission de vie.

Merci Dr Mouysset.

Livre : "Oncologie intégrative - Du cancer vers la santé" - Editions Dangles

Les traitements conventionnels en cancérologie ont prouvé leur efficacité. L’oncologie intégrative complète cette approche en plaçant le patient et son entourage au centre du parcours de soins. Elle associe médecine fondée sur les preuves et pratiques de soutien non médicamenteuses, afin d’améliorer le bien-être, renforcer l’efficacité des traitements et donner plus de sens à cette épreuve.

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